Immerpif, ép. 4 : Mercure et gel(s)
Juste avant l’annonce du confinement, Julien se rend chez Jacques Février à Oudon, pour quelques jours, croit-il. Le gel est annoncé, il faut accompagner la vigne dans cette épreuve climatique…
Texte, son : Julien Gangand.
Montage : Laurent Le Coustumer.
Musique : Last Summer, Frozen Meadow.
Mercure et gel-(s) Je vous ai quitté épuisé mais ravi de ce salon Canons. C’était cette époque où nous n’envisagions pas encore toutes les annulations de salons qui allaient suivre ! Un passage chez Jacques Février, Le Raisin à Plume, vigneron à Oudon, était planifié. Il me récupère en gare de Nantes, nous sommes le 10 mars. Direction le vignoble, quelques jours sont prévus au rythme du travail saisonnier. Mais comme une planification est faite pour être déplanifiée, adaptée, subie ou optimisée, aujourd’hui 29 mars j’y suis toujours. Les premiers jours étaient dans les clous de ce qui était envisagé, on a embouteillé (ouf, à temps), on a étiqueté, on a tiré les bois, on a bu des coups, on devisait… Puis, les jours passant, l’actualité s’assombrissait et la pandémie que le monde traverse s’imposait. Puis, les jours passant, la météo se rappelait à nous. Et cet hiver qui ne s’était pas encore manifesté réellement avait soudain envie de venir nous challenger. Pas la journée — les après-midi sont quasi printanières. Mais le matin, « à l’heure ou blanchit la campagne » comme dirait l’autre. Pas de Contemplation possible Monsieur Hugo, de l’action. Le gel est annoncé. L’hydro-alcoolique est en rupture mais si nous voulons pouvoir faire commerce d’un millésime 2020, il faut nous battre contre Mercure dans les vignes. En clair, du gel est annoncé pendant plusieurs jours, plusieurs matins, plusieurs levers de soleil ! L’hiver a été doux, la végétation est en avance, le débourrement est précoce. Le débourrement c’est cette période ou les bourgeons se sentent assez à l’aise pour sortir. Ils sont donc sortis, pas sur tous les cépages mais certains sont bien, trop bien, en avance. L’idée est donc d’accompagner la vigne dans cette épreuve climatique. Jacques travaille en biodynamie. Une des techniques utilisée pour le gel est de pulvériser de la valériane à 5 ml par hectare dans 30 à 35 litres d’eau tiède et dynamisée 20 minutes (mais nous en reparlerons spécifiquement dans un autre épisode). L’idée est de créer un « manteau de chaleur autour du bourgeon » et de « donner une intention à la plante avant les gelées qui font leur pic généralement entre 5h et le lever du soleil vers 7h moins le quart en ce moment ! Le soir on observe donc la météo (est-ce que ça va passer ?) Ce samedi, ce dimanche ça passe ! Mais 3 réveils hâtifs la semaine dernière et la semaine prochaine s’annonce tendue. On passe un coup de fil à Marie Carroget, la voisine d’Ancenis, on prend des nouvelles de Xavière, et des autres vignerons du coin. Décision prise, on appelle Philippe, ami et vigneron avec qui Jacques échange et collabore tout au long de l’année. Rendez-vous à la parcelle à 4h30 ! On a choisi les parcelles les plus gélives et les cépages les plus précoces. Et nous voilà à la frontale, arpentant les vignes, avec nos pulvérisateurs à dos en cuivre. Plus ou moins réveillés ! En tous cas, bien frigorifiés et silencieux. Uderzo est mort, il n’y a pas de potion magique. Mais ces traitements biodynamiques ont fait leurs preuves sur des gelées légères alors on tente. Et on regarde le soleil se lever vers 7h, un verre de blanc à la main, on pensant à celui de l’année prochaine. Je voulais ici adresser un message de soutien à toute la filière. Aux vigneronnes et vignerons qui n’ont pas pu embouteiller, qui ne peuvent pas expédier. Aux cavistes et bars qui ne peuvent plus conseiller, aux restaurateurs qui ne peuvent plus accorder. Aux consommateurs et consommatrices pour qui chaque bouteille à finalement un goût de confinement. A très vite de pouvoir retrinquer !
Julien Gangand